J’enseigne depuis 20 ans. J’ai eu l’occasion d’observer l’évolution du système éducatif, des générations d’élèves, et même de moi-même. En 20 ans, j’ai accumulé des souvenirs d’innombrables premières journées de classe, avec leur lot d’anticipation, d’excitation, et parfois d’anxiété. Pourtant, ce n’est que récemment que j’ai fait une découverte surprenante: je n’ai jamais vraiment aimé les rentrées scolaires.
Cette révélation m’a pris de court. Comment ai-je pu enseigner pendant 20 ans sans reconnaître ce sentiment persistant? Peut-être est-ce parce que, comme tant d’autres enseignants, je me suis toujours efforcé de mettre en avant la passion que j’ai pour l’éducation, masquant ainsi inconsciemment mes propres réticences envers ce moment particulier de l’année. Pourtant, la rentrée scolaire est souvent présentée comme une période de renouveau, un moment de nouveaux départs et de promesses pour l’année à venir. Les salles de classe sont fraîchement nettoyées et les élèves arrivent avec des espoirs et des attentes. Je réalise que derrière cette façade optimiste, il y a une complexité que l’on ne mentionne pas souvent.
Pour moi, la rentrée a toujours été marquée par une certaine pression. Cette nécessité de se préparer pour accueillir de nouveaux élèves, de s’adapter à des nouvelles attentes, de repenser la gestion de la classe et des écoles, de vivre cette première rencontre avec les parents… Tout cela engendre une tension que j’ai longtemps ignorée, en me concentrant uniquement sur l’idée que la rentrée devait être un moment joyeux.
Ce n’est que récemment, suite à mes rencontres régulières avec un psy, en réfléchissant plus profondément à mon parcours, que j’ai compris que ce malaise que je ressentais à chaque rentrée n’était pas anodin. Il n’était pas simplement le reflet du trac habituel avant de rencontrer de nouveaux élèves ou de débuter une nouvelle année. Non, il était lié à un véritable inconfort face à l’idée de recommencer, année après année, ce cycle qui, bien qu’essentiel, me pesait plus que je ne voulais l’admettre. C’est comme si je partais à l’aventure, mais que dans mes bagages s’y trouvais mon lot d’expériences difficiles et de traumatismes.
Cette prise de conscience m’a permis de porter un regard neuf sur ma carrière, de comprendre qu’il est normal d’avoir des sentiments ambivalents envers certaines parties de notre métier. Et surtout, elle m’a offert l’occasion de redéfinir ma relation avec la rentrée scolaire, en acceptant qu’elle puisse être un moment difficile, sans que cela ne remette en cause ma passion pour l’enseignement.
Aujourd’hui, avec cette nouvelle perspective, je me prépare à aborder les rentrées d’une manière différente. Plutôt que de chercher à ignorer ou minimiser mes sentiments, j’essaie de les comprendre et de les accepter. Je me rappelle que chaque année scolaire est une nouvelle opportunité non seulement pour mes élèves, mais aussi pour moi, d’apprendre, de grandir, et d’évoluer.
Je réalise que l’important pour moi est de rester engagé, curieux, et prêt à affronter les défis… même ceux qui se présentent dès le premier jour de classe. Après tout, c’est aussi cela être enseignant : savoir que l’apprentissage ne s’arrête jamais, pour nos élèves comme pour nous-mêmes.