Aujourd’hui Mylène Leroux, professeure-chercheuse à l’UQO (Universite du Quebec en Outaouais) m’a partagé un podcast très intéressant sur l’éducation contemplative. Bien que l’éducation contemporaine est en pleine évolution, une réflexion profonde sur le rôle de l’enseignant et la manière dont il peut influencer positivement la dynamique de la classe est impérative. Ce podcast de Tish Jennings, experte en éducation contemplative, explore dans un épisode du podcast Mind & Life comment les pratiques de pleine conscience peuvent non seulement améliorer le bien-être des enseignants, mais aussi redéfinir les interactions avec les élèves.
Les enseignant(e)s au Québec comme partout, sont souvent confrontés à des niveaux de stress élevés qui, s’ils ne sont pas bien gérés, peuvent avoir des conséquences directes sur les élèves. Mme Jennings observe que ce stress pousse parfois les enseignants à réagir de manière automatique, selon des schémas profondément ancrés depuis leur propre enfance. Ces réactions peuvent malheureusement déclencher des comportements négatifs chez les élèves, créant un cycle de malentendus et de tensions. Une réaction disproportionnée d’un enseignant, parfois motivée par une interprétation erronée d’un comportement, peut transformer une situation ordinaire en un véritable problème de discipline.
C’est ici que les pratiques de pleine conscience entrent en jeu. Elle propose des outils tels que la respiration consciente, les mouvements corporels attentifs et la conscience somatique pour aider les enseignants à mieux gérer leur stress. En devenant plus conscients des signaux physiques et émotionnels qu’ils ressentent, les enseignants peuvent reconnaître leurs déclencheurs personnels avant qu’ils ne réagissent de manière excessive. Cette prise de conscience leur permet non seulement de répondre avec plus de calme et de discernement, mais aussi de maintenir une ambiance de classe plus harmonieuse.
Oui les enseignants sont de véritables baromètres nos émotions ont une véritable influence sur le climat de classe. Tish Jennings accorde une grande importance à la connexion entre enseignants et élèves, une connexion qu’elle qualifie de « résonance énergétique ». Selon elle, cette harmonie crée un environnement de confiance et de sécurité, essentiel pour un apprentissage serein. Les enfants, par nature, sont très sensibles aux émotions des adultes autour d’eux. Les enseignants qui cultivent une présence calme et bienveillante peuvent ainsi influencer positivement le climat de la classe. Dans ce contexte, les émotions ne sont pas simplement ressenties par chaque individu, elles se propagent et affectent l’ensemble du groupe.
Cette idée de connexion est particulièrement cruciale lorsqu’il s’agit d’élèves ayant vécu des traumatismes. Jennings souligne que le comportement défensif ou défiant de certains enfants peut être une réponse à des situations traumatiques à la maison. Dans ces cas, les enseignants doivent développer une compréhension profonde et compatissante des origines possibles de ces comportements. En adoptant une approche sensible aux traumatismes, ils peuvent éviter de renforcer les peurs et les insécurités des élèves, et au contraire, favoriser un sentiment de sécurité et de soutien. Plus les élèves sont en sécurité, plus ils ont cette facilité d’apprendre. Cela me ramène à mon enfance, marquée par l’intimidation, où cette hypervigilance affectait profondément ma capacité à me concentrer.
Cependant, Jennings ne se contente pas de traiter les défis individuels dans les salles de classe. Elle critique également les structures éducatives actuelles, qu’elle qualifie de toxiques pour les enseignants comme pour les élèves. Selon elle, le modèle scolaire industrialisé, rigide et axé sur des objectifs uniformes, ne parvient pas à répondre aux besoins variés des élèves. Mme Jennings plaide pour un changement systémique, où les enseignants auraient plus de liberté et d’autonomie pour adapter leur approche aux besoins spécifiques de leurs élèves. Elle voit dans les enseignants des agents potentiels de changement, capables de réinventer le système de l’intérieur. Le manque croissant d’enseignants pourrait paradoxalement favoriser ce changement. En effet, face à la pénurie de personnel, le système éducatif pourrait être contraint de réévaluer ses structures rigides et de donner plus d’autonomie aux enseignants restants. Ce contexte offre une opportunité pour redéfinir les priorités éducatives et encourager une approche plus flexible et humaine, où les enseignants seraient davantage soutenus pour personnaliser leur pédagogie en fonction des besoins spécifiques de leurs élèves. Jennings voit dans cette transformation une occasion pour les enseignants de devenir de véritables agents de changement, capables de réinventer le système de l’intérieur.
Cette réinvention doit également passer par une adaptation des pratiques contemplatives en fonction du développement des enfants. Par exemple, alors que la méditation assise peut convenir aux adultes, les jeunes enfants bénéficient davantage d’activités physiques telles que le yoga ou l’exploration sensorielle. De plus, la maturation du cerveau varie d’un élève à l’autre, ce qui signifie que chaque enfant est prêt à intégrer certaines pratiques à des moments différents. L’éducation contemporaine doit être suffisamment flexible pour reconnaître que la pleine conscience, tout comme les autres approches pédagogiques, ne prend pas la même forme pour tous les âges ni pour tous les niveaux de développement.
Pour Jennings, l’essentiel de cette transformation repose sur la bienveillance et la gratitude. Cultiver intentionnellement des sentiments de chaleur humaine, tant pour soi-même que pour les autres, crée un environnement d’apprentissage où chacun peut s’épanouir. Cette bienveillance, lorsqu’elle est déployée avec intention, peut véritablement transformer la manière dont les enseignants interagissent avec leurs élèves. En adoptant ces pratiques contemplatives, l’enseignant lui-même change de paradigme : il passe du rôle d’autorité transmissive à celui d’accompagnateur empathique, favorisant une relation basée sur la confiance et la compréhension mutuelle. Cela redéfinit non seulement son approche pédagogique, mais aussi son rapport à l’élève et à l’apprentissage, en plaçant le bien-être et la connexion au cœur de la dynamique de classe.
Finalement, Tish Jennings nous rappelle ce dont les jeunes ont vraiment besoin : des adultes présents, qui les écoutent et leur offrent de l’espace pour s’exprimer. Elle suggère même que si nous abandonnions les tests standardisés et la course contre la montre, nous pourrions laisser les élèves mener leur propre apprentissage, avec des enseignants là pour les accompagner et non pour les diriger. Un tel changement pourrait provoquer une véritable révolution dans nos écoles.
Le message de Tish Jennings est clair : la pleine conscience ne se limite pas à une pratique individuelle, mais peut devenir un outil puissant pour transformer notre système éducatif. En cultivant la conscience de soi, l’empathie et la connexion, les enseignants peuvent non seulement améliorer leur propre bien-être, mais aussi créer des environnements d’apprentissage plus sûrs, plus compréhensifs et plus adaptatifs aux besoins de chaque enfant. Une éducation plus contemplative, en somme, est peut-être la clé pour un futur plus lumineux, à la fois pour les enseignants et pour les élèves.