Je déteste les évaluations. Depuis toujours, ce mot rime avec anxiété. Dès mon enfance, chaque contrôle m’enveloppait d’une angoisse sourde. Dans ma classe, j’enviais ces élèves modèles, ceux qui semblaient nager dans un océan de certitudes, aimant les réponses toutes faites et les cases à cocher. Moi, le cancre, je me perdais dans mes pensées, cherchant désespérément à échapper à cet univers strict rythmé par des horaires imposés et le son implacable des cloches industrielles.
De mes années scolaires, je ne garde que peu de souvenirs agréables. L’école me paraissait un lieu froid, distant, où mon corps était figé à mon pupitre, prisonnier d’une routine immuable. J’attendais, impuissant, que la cloche sonne, annonçant la récréation ou la fin des cours, comme un ouvrier qui, depuis l’âge de cinq ans, guette la fin de sa journée de labeur. Très tôt, mes enseignants m’avaient catalogué comme un « paresseux », cette étiquette pesante qui semblait justifier chaque échec que je cumulais. Oui en matière d’échec j’étais parmi les meilleurs.
Semaines après semaines, je rentrais chez moi, évaluations en main, redoutant le trajet vers la maison. Je savais que ce chemin se terminait souvent par des disputes, un rituel douloureux où mes résultats scolaires étaient mis en balance avec la colère et la frustration de mes parents. Chaque mauvaise note était comme une déception supplémentaire qui me faisait sentir plus petit, plus insignifiant. Les échanges avec mes parents étaient tendus, parfois même explosifs. Leur approbation fluctuait au gré de mes notes, et avec elle, mon estime de moi-même.
Au retour en classe, je tentais désespérément de me reconnecter à mes enseignants, cherchant dans leurs sourires ou leur approbation une validation de mon existence. C’était comme une course contre la montre, une tentative effrénée pour améliorer mes résultats et enfin entrer dans ce fameux moule où tout le monde semblait vouloir me voir. Je devenais hypervigilant, absorbant chaque détail, chaque directive, dans l’espoir de plaire et de m’assurer que cette fois, peut-être, j’éviterais la colère à la maison.
Après quelques semaines de ce sprint acharné, lorsque mes parents étaient enfin satisfaits de mes efforts, je sentais un bref soulagement. Je reprenais mon souffle, profitant de ce moment de répit, et retournais rapidement à mes rêves, mes pensées vagabondes qui m’éloignaient du cadre rigide de l’école. Mais presque inévitablement, mes résultats chutaient à nouveau. C’était un cycle sans fin, une danse entre l’effort et l’évasion, entre le désir de plaire et la volonté farouche de m’échapper.
J’ai longtemps détesté l’école, avec ses règles strictes et ses attentes globales et rigides, me rappelait souvent l’Empire de Star Wars. Tout comme l’Ordre impérial, elle cherchait à contrôler, à uniformiser, à façonner chaque individu pour qu’il devienne un rouage fonctionnel dans une grande machine. Il n’y avait aucune place pour l’imprévu, aucune tolérance pour la divergence. On devait tous suivre le même chemin, obéir aux mêmes commandements, sans poser de questions. Ceux qui, comme moi, refusaient de s’y plier étaient rapidement marginalisés, étiquetés, mis de côtés.
Je me souviens de la salle de classe, cette sorte de microcosme de l’Empire où chaque élève, telle une petite unité obéissante, devait remplir ses devoirs sans broncher. La moindre erreur, la moindre hésitation, était sanctionnée, parfois sévèrement. J’étais comme un rebelle en mission secrète, essayant tant bien que mal d’éviter le regard des « Stormtroopers », ces professeurs qui semblaient scruter le moindre de mes faux pas. Leurs corrections, souvent froides et détachées, me faisaient l’effet des ordres lancés par des officiers impériaux. Aucun espace pour l’erreur, aucune place pour la nuance. C’était une lutte constante pour me conformer, pour me glisser sous les radars.
Mais à l’intérieur de moi, bouillait une résistance silencieuse. Je refusais de croire que l’apprentissage devait se faire de cette manière. Je rejetais l’idée que l’éducation devait être une forme d’oppression intellectuelle. Comme les rebelles qui se cachaient dans les ombres de la galaxie, j’avais mes mes aspirations, mes propres rêves, et je cherchais une manière de les défendre. L’Ordre impérial, dans sa quête de contrôle absolu, cherchait à éliminer toute forme d’individualité, tout comme le système éducatif traditionnel cherche souvent à lisser les différences et à imposer un modèle unique de réussite; ce mur à mur imposant.
Mais tout comme dans l’univers de Star Wars, il existe un autre chemin. Les rebelles ont montré qu’il était possible de résister, de se dresser contre l’autorité, non pas pour tout détruire, mais pour construire quelque chose de meilleur. L’Alliance rebelle luttait pour la liberté, pour la diversité des voix et des expériences, pour un monde où chacun pouvait trouver sa place, non pas en obéissant aveuglément, mais en apprenant à travers l’aventure, l’erreur et l’exploration. J’ai grandi faisant mon chemin dans ce système, cumulant années en années l’étiquette de cancre.
Devenu adulte, au fil de mes 20 années au service de l’Ordre Impérial ce que j’ai surtout trouvé dans cette résistance silencieuse est cette force. Cette force de questionner l’évaluation. Et si l’école devenait cette rébellion? Si, au lieu de ressembler à l’Ordre impérial, elle devenait un lieu de spontanéité, d’expérimentation, où chaque élève, qu’il soit rebelle ou conformiste, pouvait trouver sa place sans crainte d’être jugé ou puni pour avoir échoué?
C’est cette vision que je porte, celle d’une éducation libérée de certains silos institutionnels, qui nous permet à tous de devenir des héros de notre propre aventure. Celle d’une éducation durable où nous construisons nos compétences sur les choses qui nous allument et bâtissons notre avenir sur les matières qui nous allument.
J’ai compris que l’apprentissage ne devait pas être une répression, mais un mouvement fluide, organique, où l’échec est non seulement permis, mais encouragé. Car c’est dans ces moments de désaccord, dans ces instants où l’on exerce sa pensée critique, que naissent les véritables découvertes intuitives. L’apprentissage ne se limite pas à des notes ou à des évaluations. Il peut être bien plus riche, plus profond, si seulement on permettait davantage aux élèves de sortir des rangs, de s’aventurer hors des sentiers battus.
L’éducation doit, selon moi, être une aventure. Elle ne doit pas se résumer à une série d’évaluations où l’élève est jugé sur sa capacité à reproduire des réponses toutes faites. Elle doit être un voyage, avec ses imprévus, ses détours, ses erreurs, des rires et aussi ses découvertes. C’est en se trompant qu’on apprend le plus, en expérimentant qu’on grandit. Derrière l’erreur se cache l’espoir de la réussite. L’enseignement ne devrait pas être un outil de contrôle, mais une force libératrice. Il doit nous permettre de devenir des Jedi de la pensée, capables de questionner, d’imaginer, et d’apprendre dans le savoir-être, sans craindre de sortir du rang.