
Le respect, c’est reconnaître la valeur de l’autre sans avoir besoin qu’il nous ressemble. C’est semer la paix là où le jugement aurait pu pousser. L’imposer, c’est semer une graine dans un sol aride.
Cette citation, que j’aime profondément, résonne avec une intensité particulière en ce moment où l’école québécoise s’apprête à revoir ses codes de vie. Dès janvier 2026, les écoles devront mettre en application de nouvelles règles visant à renforcer le respect : vouvoiement obligatoire, formules de politesse encadrées, sanctions progressives… L’intention est noble, mais elle mérite un regard plus large, plus humain.
Parce que le respect véritable, celui qui transforme un climat de classe, une école, voire une société, ne naît pas d’un règlement. Il émerge d’un regard. D’une écoute. D’un lien. Il pousse lentement, comme une plante fragile qu’on doit arroser de cohérence, de chaleur humaine et surtout… d’exemple.
Quand on force un enfant à dire « Monsieur » ou « Madame », à vouvoyer ou à signer un code de vie, crée-t-on vraiment du respect ? Ou seulement une façade, une politesse mécanique qui ne survivra pas à la frustration ou à l’incompréhension ? Le respect n’est pas une incantation, ni une posture. C’est un apprentissage. Et comme tout apprentissage, il prend du temps, demande de l’accompagnement et nécessite des erreurs. Oui, des erreurs. Des manquements, des maladresses, des conflits — autant d’occasions de croître, ensemble.
Les gestes prévus dans ce nouveau cadre (lettres d’excuses, services rendus, cercles de discussion) ont du potentiel, surtout s’ils sont portés par un climat bienveillant et non punitif. Mais imposer des règles sans nourrir les racines affectives qui les soutiennent, c’est comme espérer qu’une fleur pousse sans eau.
Le respect, ce n’est pas seulement s’adresser à quelqu’un correctement. C’est reconnaître en l’autre une personne digne, même lorsqu’elle pense autrement, lorsqu’elle est en colère ou en difficulté. Le respect, c’est un pont entre deux vulnérabilités. Ce que j’aimerais voir dans nos écoles, ce sont des adultes qui modélisent le respect avec authenticité. Qui savent dire « je me suis trompé ». Qui écoutent avant de corriger. Qui comprennent que derrière un comportement irrespectueux, il y a souvent une blessure, un besoin, ou une tentative maladroite de prendre sa place.
Alors oui, donnons-nous un cadre. Mettons des mots sur ce que nous souhaitons voir fleurir dans nos classes. Mais ne confondons pas la clôture et le jardin. Le respect ne se dicte pas, il se vit.
Le nouveau règlement souligne que le respect commence à la maison. C’est vrai. Mais attention au glissement: collaborer avec les parents, ce n’est pas leur faire porter le poids de chaque comportement. C’est les inviter à rejoindre un projet commun: élever des jeunes humains capables de cohabiter, de dialoguer, de réparer. Les parents ne sont pas des adjoints disciplinaires. Ce sont des partenaires, parfois eux-mêmes blessés, parfois débordés, mais toujours importants. Quand l’école leur parle avec respect, les jeunes en prennent note. Ils observent. Ils retiennent.
En tant qu’enseignant, podcasteur et passionné de l’école humaine, j’ai envie de croire qu’on peut élever le débat au-delà des apparences. Vouvoyer quelqu’un, c’est un geste. Comprendre pourquoi on le fait, c’est une conscience. Le respect que je souhaite semer dans mes classes ne dépend pas d’un code affiché au mur, mais du climat qu’on respire en entrant. Un climat où la paix est possible, même quand les conflits surgissent. Où chaque élève, même le plus dur, même le plus mal-parti, a sa place. Et où l’on apprend, ensemble, à semer des graines… dans un sol vivant.