Cancre un jour, cancre toujours? Réflexion sur le pouvoir des étiquettes

Ce weekend j’ai vécu une superbe soirée dans un resto du Vieux Québec. J’ai eu une discussion chaleureuse avec ma femme. J’ai parlé du futur de mon podcast Le Cancre Pédagogue. La discussion à pris une tournure que j’avais pas prévu. La genèse de ce que je suis devenu en lien avec les étiquettes. J’ai réalisé qu’on m’a faussement collé l’étiquette de cancre pendant mon parcours scolaire. Pas méchamment. Pas toujours directement. Mais assez souvent pour que je finisse par malheureusement y croire.

J’étais bavard. Dans la lune. Un brin désorganisé.
Mais j’étais aussi curieux, créatif, sensible aux injustices.
Je n’étais pas un cancre. J’étais un élève en mouvement. En questionnement. En recherche.

Une étiquette, c’est pratique pour ranger. Ça rassure. Ça simplifie. Mais quand on parle d’un enfant ce peut être pratique, mais ça peut tout aussi bien devenir destructeur. Il suffit d’un mot répété, d’un commentaire griffonné en marge ou lancé en réunion, pour qu’un enfant commence à se définir par les limites qu’on lui perçoit. Et quand l’adulte autour de lui semble convaincu, l’enfant finit par l’être aussi. L’étiquette devient un vêtement trop petit qu’on continue de porter, jusqu’à en oublier qu’il est possible de l’enlever.

Je repense souvent à l’un de mes élèves cette année. Il est lent. Vraiment lent. Il peut prendre trois fois plus de temps que les autres pour copier une phrase ou comprendre une consigne. Au début, je sentais monter cette vieille impatience que tout enseignant apprend à apprivoiser. Mais quelque chose en lui m’a retenu: un souvenir vécu, un regard, une sincérité, un effort tranquille mais constant. Alors j’ai choisi un autre rythme. J’ai choisi la patience. Les sourires. L’encouragement doux. Vous savez quoi ? Il apprend. À sa vitesse. Il comprend, petit à petit. Et moi, j’apprends aussi. À faire confiance au processus, au chemin, même quand il n’entre pas dans le cadre prévu.

Je me surprends souvent à remettre en question nos balises d’apprentissage. Qui a décidé qu’un élève devait maîtriser tel concept à tel moment précis ? Et si la compétence n’était pas absente, mais simplement en train de germer, sous la surface? Si on regardait l’élève comme une histoire en cours d’écriture, plutôt qu’un résultat à évaluer en continu?

À ce souper avec ma femme, j’ai réalisé que je n’ai jamais été un cancre. Mais on me l’a fait croire. Et il m’a fallu des années pour me détacher de cette idée. Même adulte, ces étiquettes continuent parfois de coller d’où vient mon nom de podcast. Alors maintenant que je suis de l’autre côté du bureau, je veux faire attention. Je veux que mes élèves puissent changer, évoluer, se surprendre. Qu’ils soient autre chose demain que ce qu’on croit d’eux aujourd’hui.

Je veux que l’un d’eux, un jour, se souvienne d’un adulte qui a su voir au-delà des apparences, au-delà des étiquettes. Et qu’il se dise : « Je n’étais pas lent. J’étais en train de devenir. »
Comme moi. Comme nous tous.

Publié par Mr Friday

Je suis enseignant, conférencier, podcasteur et animateur. L'humain me fascine. Mes expertises sont la gestion de classe compatissante et le savoir-être.

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