Après 22 ans dans une classe, je me rends compte d’une chose: enseigner, ce n’est pas seulement transmettre un savoir. C’est tellement plus subtil et plus fragile.
C’est écouter un élève qui n’a pas la tête aux fractions parce que ses parents se séparent. C’est remarquer celui qui baisse les yeux quand il lit à voix haute, parce que sa confiance s’est effritée. C’est rallumer une étincelle de curiosité chez celle qui croyait ne pas être “faite pour l’école”. C’est être assez curieux pour remarquer qui dans son groupe mange à sa faim.
Certains chercheurs en éducation affirment que les étudiants en éducation sont formés comme des techniciens. On nous apprend à corriger, à évaluer, à suivre les programmes. Tout ça est utile, je l’admet, mais souvent, même presque tout le temps, j’ai cette l’impression qu’on passe à côté de quelque chose. Qu’on a oublié un élément essentiel.
Cet élément, c’est l’humain.
Avec ses forces, ses élans, ses blessures, ses défis. Des défis qui, au fond, ressemblent tout à fait aux nôtres. Parce qu’entre adultes et enfants, il y a moins de distance qu’on le croit. Croyez-moi en apprenant sur moi, j’apprend encore d’eux.
Sommes-nous, nous-mêmes, à notre 100 % chaque jour? Bien sûr que non. Alors pourquoi l’exiger de nos élèves? Pourquoi oublier qu’eux aussi peuvent avoir des matins lourds, des soirs difficiles, des doutes qui pèsent?
Ce dont ils ont besoin, ce n’est pas de perfection. Ce n’est pas qu’on les pousse toujours plus haut, toujours plus vite. Ce dont ils ont besoin est bien plus essentiel, c’est de notre présence.
De notre compassion.
De notre humanité. De notre vulnérabilité.
Et quand on remet ça au centre… sans surprise, la classe se transforme. Elle devient plus qu’un lieu d’apprentissage. Elle devient un espace de vie. Un 180 jours de présence et de potentiel.
Transformer la classe, c’est transformer des vies. Et quand on y réfléchit bien, c’est aussi transformer la nôtre.
Le Cancre Pédagogue 