Toute ma vie d’élève, j’ai souffert de violence éducative. Pas seulement de gestes brusques, mais aussi de mots qui piquent, de regards qui jugent, de silences qui blessent. Ces petites violences du quotidien qu’on banalise trop souvent laissent pourtant des traces profondes. Elles s’impriment quelque part dans le cœur et finissent par façonner la manière dont on se perçoit.
Je me souviens d’avoir souvent entendu que je n’étais pas assez ceci, pas assez cela. Ces phrases, lancées sans méchanceté apparente, finissent par devenir des vérités qu’on traîne avec soi. Elles construisent des murs invisibles, des murs qui séparent l’enfant de la confiance.
Mais la vie a parfois cette étrange façon de transformer la douleur en force. Avec le temps, j’ai compris avec le temps que cette souffrance vécue m’avait préparé à enseigner autrement. Elle est devenue ma boussole intérieure, celle qui me rappelle chaque jour que derrière un comportement difficile se cache souvent une blessure qu’on ne voit pas.
Aujourd’hui, je n’enseigne plus pour corriger. J’enseigne pour comprendre. Je ne cherche plus à contrôler. Je cherche à apaiser. Parce qu’avant chaque geste, chaque mot, chaque regard, il y a un jeune qui essaie de se faire entendre, à SA manière.
Je vois l’élève avant l’étiquette. Je vois l’humain avant le rôle. Et je vois, parfois, l’enfant blessé derrière les yeux fatigués.
Cette façon d’enseigner n’est pas une méthode, ni une recette. C’est une posture. Une manière d’être. Une présence qui dit : « Je te vois. Même quand tu crois que personne ne te comprend. »
J’ai compris que mes propres cicatrices ne sont pas des failles, mais des ponts. Elles me permettent de tendre la main, avec empathie, à ceux qui portent à leur tour un fardeau trop lourd pour leur âge.
Alors oui, j’ai souffert. Mais cette souffrance m’a appris à aimer davantage, à écouter plus profondément, à enseigner avec le cœur.
Parce qu’avant d’apprendre à lire ou à écrire, il faut comprendre que l’élève doit être Reconnu, Ecouté Vu et Entendu (REVE)
Et c’est peut-être ça, le vrai rôle d’un enseignant : rappeler à chaque élève qu’il mérite d’exister pleinement, sans étiquette, sans jugement.
Fred Jean le souffrant compatissant.