J’entame la sixième saison du Cancre Pédagogue avec beaucoup d’émotion. Six ans déjà. Près de deux cents épisodes. Et la même curiosité intacte : apprendre encore, se remettre en question, écouter. Ce podcast m’a transformé autant qu’il a servi d’espace de réflexion, de vulnérabilité et de partage. Merci à celles et ceux qui ont écouté, critiqué, encouragé.

Pour ouvrir cette nouvelle année, j’ai eu l’honneur de dialoguer avec Olivier Bertin-Mahieux, directeur général de la Fondation Paul-Gérin-Lajoie (PGL). Sa trajectoire, du terrain africain à l’engagement québécois, incarne une vision de l’éducation comme levier de justice, de solidarité et d’espoir.
La mission de la Fondation PGL est aussi claire qu’ambitieuse: donner accès à une éducation de qualité pour tous, tout au long de la vie. Trois axes soutiennent cette vision : la coopération volontaire, qui envoie des experts renforcer les institutions éducatives de six pays africains; les programmes internationaux, qui soutiennent la scolarisation dans des contextes fragiles comme les camps de réfugiés ; et la célèbre dictée PGL, ce programme éducatif de 35 ans qui a touché des millions d’élèves à travers le monde francophone.
Paul Gérin-Lajoie, premier ministre de l’Éducation du Québec durant la Révolution tranquille, a profondément marqué notre histoire collective. Il a instauré la scolarité obligatoire, le transport scolaire, et porté la conviction que l’éducation est la base de tout développement. À sa retraite, il a fondé la PGL qui fêtera bientôt ses 50 ans pour prolonger ce rêve d’un monde plus instruit et plus équitable.
Ce qui frappe, en écoutant Olivier, c’est la profondeur de la dictée PGL. Ce n’est pas un simple concours : c’est un dispositif complet, construit pour accompagner les enseignants. Des outils prêts à l’emploi, une approche inclusive pour tous les niveaux, des adaptations pour adultes et nouveaux arrivants, et un volet de mobilisation qui soutient financièrement les projets locaux. Comme le dit joliment Olivier: « La dictée, c’est la pointe de l’iceberg; le vrai travail se fait en amont, en classe. Même si un élève ne va pas à la finale, il a appris. »
Cette démarche répond à un besoin identitaire et collectif: celui de rassembler autour de la langue. C’est un moment où la fierté et la solidarité remplacent la compétition. Des exemples concrets l’illustrent: en Guinée, un élève gagnant a donné envie à tout un village de lire ; au Québec, des nouveaux arrivants découvrent la langue à travers des ateliers, des visites culturelles, et une finale qui les relie à leur communauté d’accueil.
Mais ce sont les histoires du terrain qui bouleversent. Au Rwanda, dans un camp de 60 000 réfugiés, la Fondation a permis à de jeunes femmes de suivre une formation en coiffure. Deux ans plus tard, certaines ont ouvert leur propre salon. L’éducation a littéralement changé leur vie. À Montréal, lors d’une finale pour les nouveaux arrivants, la remise de certificats par l’Université Concordia a provoqué un silence ému : pour six gagnants, c’était la preuve que l’université pouvait leur être accessible.
Ces récits rappellent que l’éducation change les trajectoires. Qu’elle n’est pas un luxe, mais un droit et une force. Et qu’ici, au Québec, nous avons la chance d’avoir accès à cette richesse gratuitement. Un privilège qu’il ne faut jamais banaliser.
La réussite de la Fondation repose sur un savant équilibre: des outils pédagogiques solides, une mobilisation locale qui redonne aux écoles, une vision internationale qui relie le Québec au reste de la francophonie, et une capacité d’innovation constante. Dictées pour adultes, catégories pour non-francophones, partenariats institutionnels tout est pensé pour que chacun puisse apprendre, peu importe son âge ou son parcours.
Ce que je retiens de cette rencontre, c’est que la dictée PGL rejoint profondément ce que nous, enseignants, cherchons à transmettre : la confiance, la persévérance et la joie d’apprendre. Derrière chaque mot écrit correctement se cache une victoire : celle d’un élève qui reprend goût à la lecture, celle d’un parent fier, celle d’un enseignant qui voit son élève progresser.
Olivier parle de l’éducation comme de la capacité à choisir son avenir. Son premier mandat au Sénégal lui a appris l’humilité, l’adaptation, la rencontre de l’autre. Il lit chaque jour, étudie les langues et croit profondément que parler la langue de l’autre, c’est déjà ouvrir une porte.
Je termine cet épisode avec un sentiment fort: l’éducation est à la fois technique, humaine et politique. Elle est ce qui relie un salon de coiffure au Rwanda à une classe québécoise, un mot juste à un avenir meilleur.
Merci à Olivier Bertin-Mahieux pour sa générosité et sa clarté. Et merci à vous, qui continuez d’écouter, d’apprendre et d’agir. Parce qu’au fond, l’éducation demeure le plus grand projet collectif de l’humanité.