Me suivez-vous si je vous affirme que les rencontres de parents ont quelque chose d’intense? On y parle de bulletins, de notes, de compétences, mais en réalité, on y brasse surtout des émotions. Pour les jeunes, c’est souvent un moment anxiogène. Ils ont l’impression d’être jugés, comme si leur valeur se résumait à quelques chiffres imprimés sur une feuille. Ils se demandent ce que leurs parents vont penser. seront-ils seront déçus? Fiers? Silencieux? Me suivez-vous toujours si je vous informe qu’un bulletin, ça ne montre pas toujours l’effort, ni les progrès invisibles, ni les batailles intérieures?

Est-vous d’accord avec moi que certains parents vivent un certain « TSPT » (Trouble de stress post-traumatique) de l’école? Une rencontre de bulletin peut réveiller la vieille anxiété scolaire qu’ils croyaient avoir laissée derrière eux. Souvent, ils revivent deux stress simultanément: celui de leur propre passé d’élève et celui de voir leur enfant avoir un meilleur sort, celui de réussir aujourd’hui. Ce double poids, ils le portent sans toujours s’en rendre compte. Et c’est précisément dans ce contexte que la rétroaction en continu change tout, comme un antidote à ce que l’école a longtemps fait sans le vouloir: faire de l’évaluation un verdict.
La rétroaction en continu n’est pas un simple commentaire, un courriel our un appel ajouté dans le parcours d’un élève. C’est une manière d’aborder l’apprentissage différemment. C’est dire à un jeune : « Je ne t’évalue pas seulement. Je t’accompagne. » Au lieu de découvrir son sort scolaire une fois par trimestre, il voit son chemin se construire au fil des semaines. Il comprend ce qu’il fait bien, ce qu’il doit ajuster, où se trouve la prochaine étape. L’erreur n’est plus une preuve de faiblesse: elle devient un signal. Et ce changement de regard apaise énormément.

Un jeune qui reçoit de la rétroaction régulièrement n’a plus peur de la surprise du bulletin. Il sait où il se situe. Il sait qu’il progresse. Il sait qu’il est suivi. Et les parents aussi. Ils sentent le chemin parcouru, les efforts fournis, les défis traversés. Ils n’arrivent plus à la rencontre avec l’impression de marcher vers un verdict qui va tomber. Ils arrivent dans une conversation qui fait déjà partie d’un processus connu.
Dans ce climat, les rencontres de parents changent complètement de nature. Elles perdent leur côté « tribunal ». Elles gagnent en humanité. Le parent n’arrive plus avec l’angoisse du « Je vais découvrir quelque chose de grave ». L’élève n’arrive plus avec la peur d’être jugé. L’enseignant n’est plus celui qui « annonce la nouvelle ». Tout le monde a déjà avancé ensemble. Les échanges deviennent alors des moments de compréhension, pas de confrontation. Des espaces où l’on peut respirer, pas seulement réagir. Des lieux où l’on parle progression, pas uniquement performance.
Et peut-être que c’est ça, la vraie mission de la rétroaction continue: réparer la relation à l’évaluation. Beaucoup de parents portent encore des cicatrices scolaires. Beaucoup d’élèves voient l’école comme une succession de tests. Beaucoup d’enseignants portent la lourde responsabilité de rassurer tout le monde. La rétroaction vient doucement rappeler qu’on peut apprendre sans se faire juger. Qu’on peut s’améliorer sans se faire comparer. Qu’on peut grandir sans se faire écraser. Quand l’évaluation redevient un accompagnement, le bulletin perd sa vocation punitive et reprend son sens premier: une photographie d’un moment, pas une sentence.
Et tout cela commence souvent par de petits gestes : un « Je te vois », un « Tu progresses », un « Essaie ça », un « Tu es capable ». Ces phrases, répétées au bon moment, construisent la colonne vertébrale d’un jeune. Elles apaisent son cœur et éclairent sa vision de lui-même. Elles transforment l’école en un lieu où l’on ose plus, où l’on apprend mieux, où l’on respire davantage.
La rétroaction en continu n’élimine pas toutes les anxiétés scolaires. Mais elle donne un langage pour les apprivoiser, un filet pour les sécuriser, un sens pour les dépasser. Et parfois, c’est tout ce dont un jeune et son parent avaient besoin pour mieux respirer.
Ce Fred qui a lui aussi vécu ce TSPT des rencontres de parents.